La dictée
Parmi les temps forts du festival à inscrire dans vos agendas : la dictée.
Rendez-vous toujours très attendu, elle sera cette année proposée par Carole Martinez et se tiendra samedi 19 septembre en début d’après-midi à la MSHE. Lauréate de pas moins de 15 prix littéraires pour son premier roman Coeur cousu, elle publie en cette rentrée Les roses fauves (Gallimard) et ravira les mordus de dictée avec un texte qu’elle aura spécialement préparé pour l’occasion.
Les inscriptions se feront par téléphone à compter du 1er septembre.
Corrigé de la dictée de Sorj Chalandon en 2019 :
Citadelle m’était contée
Des chasseurs-cueilleurs du paléolithique à l’oppidum séquane de la Gaule celtique, la boucle du Doubs a toujours été convoitée. Dans les temps anciens, murailles, remparts et courtines protégeant le mont Saint-Etienne ont cruellement manqué aux Bisontins. Imaginez un instant des hordes burgondes s’écrasant sur le front royal. Les Germains terrassés devant le bâtiment des Cadets. Voyez les Goths, les Huns, les Alamans, les Francs, les Tervinges ou les Ostrogoths briser leurs lances ridicules sur les moellons du front Saint-Etienne. Mais non, face aux fourches huguenotes, aux glaives du Saint-Empire romain germanique, aux traités scélérats et aux alliances entre têtes couronnées, la cité était sans autre défense que ses remparts médiévaux.
Il aura fallu attendre le 29 septembre 1668 pour que soit bâtie, au faîte d’un anticlinal grandiose barré par trois fronts bastionnés, la citadelle de Besançon. Un ouvrage militaire parcouru de chemins de ronde, flanqué d’orillons protégeant les canons et hérissé d’échauguettes, souvenirs des bretèches du château fort médiéval, avec sa motte castrale et ses mâchicoulis.
Louis XIV rêvait d’une ceinture d’airain pour protéger les frontières de l’Est. Et Sébastien Le Prestre de Vauban en avait dessiné le squelette, avant que les Espagnols ne s’emparent de la Franche-Comté et élèvent seuls les fortifications, sans se soucier de l’avant-projet détaillé de l’architecte français.
En 1674, les Bisontins restent écartelés entre le sceptre des Bourbons et la couronne d’Espagne. Le roi Soleil va alors leur imposer sa loi. Le 26 avril, Paris assiège Besançon. La cité résiste vingt-sept jours aux arquebusiers du duc d’Enghien et aux boulets en fer de l’artillerie royale, avant de plier. Bientôt, la Franche-Comté sera fleur de lys. Et Vauban, le dispendieux, terminera sa place forte en y rajoutant tant de ravelins et de bastions retranchés que le roi, saisi par son coût, lui demandera si les murailles étaient en pierre ou en or.
L’histoire de cette citadelle mériterait de figurer – « plaise à Dieu » – en bonne place sur le blason de Besançon : l’écu d’or, à l’aigle de sable tenant de ses serres deux colonnes de gueules brochant sur les ailes.
Brave citadelle. En 1814, les Autrichiens s’y cassent le nez. En 1871, les Prussiens s’y fracassent les dents.
Triste citadelle. En juin 1940, les enfants vert-de-gris des cavaliers uhlans s’y installent sans combat. Entre ses murs, le 26 septembre 1943, seize patriotes seront fusillés par l’ennemi. Comme l’avait alors maugréé Tristan Bernard, l’immense Bisontin : « En 1914, on disait ‘‘on les aura’’, eh bien maintenant, on les a ».
Sorj Chalandon