Caroline DEYNS

Caroline Deyns vit et travaille à Besançon. D’un style inventif, fait de phrases courtes, percutantes d’où rugit la poésie d’une langue révoltée, son travail d’écriture est surtout reconnu depuis la publication et le succès (15000 exemplaires) de Trencadis (Quidam, 2020), un roman sur Niki de Saint Phalle, puissant, féministe et iconoclaste, qui reparaît aujourd’hui dans la collection poche Les Nomades.

MURmur s’ouvre sur le récit à la première personne d’une femme incarcérée. Le monde dans lequel elle vit pourrait évoquer celui de La Servante écarlate ou de Fahrenheit 451, mais il ressemble plutôt au nôtre, bien que le crime et la condamnation de cette femme ne trouvent pas d’écho dans le code pénal tel que nous le connaissons. Ou plutôt : pas ici, pas encore. Reste que l’endroit d’où elle parle est laissé volontairement vague. Dans ce monde donc, la maternité est strictement encadrée et la liberté de disposer de son propre corps n’existe plus, et rien n’indique qu’elle ait un jour existé, la parole artistique féminine et féministe ayant été brutalement censurée, effacée de la mémoire collective afin d’annihiler toute revendication. Les femmes sont donc privées de voix et d’insurrection. Pourtant une dissidence basse et clandestine perdure chez certaines qui, de mère en fille, de femme en femme, relaient un texte sauvé de l’oubli et appris par cœur. Poussée par l’iniquité de son emprisonnement, la femme incarcérée décide de sortir ce texte du secret murmuré où il est supposé demeurer enfermé : elle se met à l’écrire. Ainsi s’enchâsse dans le roman le texte d’une inconnue, Pièces, roman choral racontant une histoire qui, malgré l’imprécision de l’ancrage, ressemble au procès de Bobigny dont on sait qu’il fut la pièce maîtresse et décisive du droit encore actuel à l’avortement. Avec une grande force poétique et rageuse, MURmur retranscrit l’histoire de ce combat en un style éclatant fait de phrases courtes, percutantes et, au travers de ces deux récits mêlés, rend hommage à toutes celles auxquelles les femmes doivent leur liberté et la conscience de sa fragilité.